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La reconnaissance faciale… en Marche !

Imaginez un pays totalitaire où on pourrait suivre les individus à la trace dans la rue en les repérant au faciès. Plus d’anonymat. Que vous alliez acheter du pain ou que vous participiez à une manifestation, le gouvernement sait tout. La Chine ? Non, c’est la France que nous prépare le gouvernement…

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Le secrétaire d’État chargé du Numérique a annoncé qu’en cette nouvelle année 2020, le gouvernement allait tester la reconnaissance faciale dans l’espace public. Cette phase d’expérimentation qui devrait durer de 6 à 12 mois a bien sûr fait sursauter les associations qui défendent les libertés. Le pavé a été lancé pendant les fêtes de fin d’année 2019 et cela n’a pas aidé à apaiser les tensions. Alors que Cedric O n’avait pas encore communiqué à ce sujet, la CNIL (sans doute aidée par une boule de cristal) avait rendu public un rapport en novembre pour expliquer les dérives potentielles : suivi des déplacements d’une personne dans l’espace public, identification, fichage des habitudes de déplacement, etc. Car c’est la nouveauté ici : se servir des caméras de surveillance qui se multiplient dans nos métropoles pour ajouter une couche d’algorithme.

« Il y a de toute évidence des avantages, et des opportunités, mais aussi un certain nombre de risques pour les libertés publiques. »
Cédric O. Secrétaire d’État chargé du Numérique – clairvoyant à mi-temps

Conflit d’intérêts OKLM

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À l’inverse du TAJ (traitement des antécédents judiciaires), il s’agit d’une identification en temps réel. Or c’est interdit par la RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données). Qu’à cela ne tienne puisque la collecte d’informations se fera sur la base du volontariat promet Cedric O ! Oui mais comment recueillir ce consentement ? Comment sait-on que les données seront stockées en sécurité ? Pire, il n’y a pas de calendrier précis : on sent vraiment que Cedric O a voulu prendre la température avec ses déclarations. Pas grave, même si tout est flou, des entreprises françaises sont déjà à l’affût comme Idemia, une société qui appartenait encore en 2017 à Safran et qui est un précurseur de ce genre de technologie avec son logiciel MorphoFACE. Et devinez qui travaillait chez Safran en 2017 ? Cédric O ! Alors oui il s’agissait du pôle aéronautique et non, MorphoFACE n’est pas encore la solution choisie par la France, mais on voit bien où va tout ce petit monde…

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MorphoFACE a été choisi par l’État d’Hawaï ou l’aéroport d’Oslo. Et bientôt en bas de chez vous !

Des systèmes efficaces à 20 %

Mais le plus beau dans cette histoire c’est que ce genre de système n’est même pas efficace ! L’année dernière, l’Université d’Essex au Royaume-Uni a démontré que le système de reconnaissance faciale mis en place à Londres présentait un taux d’erreur très important : 4 suspects sur 5 sont innocents ! Cela peut mettre en prison quelqu’un qui n’a rien fait, mais avec autant d’erreurs, un coupable pourrait même remettre en question un jugement et se retrouver dehors si la reconnaissance faciale était la seule « preuve » de sa culpabilité.

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Il faudra bientôt sortir comme ça pour aller à la supérette… Il s’agit de maquillage spéciaux qui permettent de gruger les ordinateurs. Mais bon d’ici là, ils passeront une loi pour nous l’interdire.

Interview de Thomas Watanabe-Vermorel

Thomas Vermorel
Crédit : Emmanuelle Corne

Thomas Watanabe-Vermorel est un professeur des écoles ancien porte-parole du Parti Pirate. Il se présente en 5ème position sur la liste EELV de David Belliard dans le 10ème arrondissement de Paris. Il répond à nos questions sur la reconnaissance faciale et sur les projets des Verts dans cette campagne municipale.

Bonjour Thomas Watanabe-Vermorel. La dernière fois que nous avons conversé, vous étiez un « pirate ». Pourquoi avoir choisi EELV dans ces municipales 2020 ?

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Je suis toujours « pirate », mais j’ai décidé de me présenter sur cette liste, très proche des positions du Parti Pirate à bien des égards. D’ailleurs, cette liste est une liste citoyenne soutenue par EELV. À ce jour, le PP n’a pas de liste sur Paris.

Après Alicem, Cedric O veut expérimenter pendant 6 à 12 mois la reconnaissance faciale en temps réel sur des cobayes consentants…

Ce sont deux choses différentes puisqu’Alicem est une mesure d’authentification pour accéder à des données confidentielles. Même si on peut se poser des questions sur la gestion d’un tel système, cette reconnaissance faciale généralisée dans l’espace public permettra de reconnaître une personne dans la rue et de suivre ses déplacements.

On parle de volontariat, mais comment est-il possible de trier les volontaires des autres ?

Tout est flou dans cette histoire. On nous parle encore d’expérimentation avec des données à recueillir puis à analyser, mais on nous a déjà fait le coup avec les écoutes téléphoniques, la vidéosurveillance ou l’État d’urgence. Depuis les années 90, on vous jure qu’il s’agit d’expériences, mais au final, c’est adopté sans évaluation et utilisé à d’autres fins. L’état d’urgence à par exemple d’abord été invoqué contre les manifestations écologistes. On va commencer par dire que c’est pour vous protéger des terroristes et des pédophiles [comme ça a été le cas en Inde où le système devait aider à retrouver des enfants disparus avant d’être utilisé pour identifier des manifestants, NDLR], mais il ne faut faire aucune confiance à ces allégations.

On va se retrouver à être « noté » comme en Chine…

Et il n’y a pas que ça puisqu’en plus du but sécuritaire, il y a une vision commerciale derrière. On pourra bientôt utiliser cette technique pour faire du profilage et rendre la publicité plus efficace. Ce qui se passe en ligne avec le tracking arrivera bientôt dans la rue. Sauf que personne ne vous oblige à utiliser Facebook, mais aller dans la rue, c’est quand même la première des libertés. Il s’agit d’une mesure qui va permettre à la majorité présidentielle de grappiller des voix à l’extrême droite, mais les caméras et les systèmes informatiques pèseront lourd sur les finances publiques tandis que les grosses sociétés vont gagner le pactole.

Le taux d’erreur est aussi pointé du doigt par les associations de défense des droits

Oui, on sait déjà que a marche moyen. Il y a énormément de faux positifs, surtout parmi les femmes et les hommes non blancs . C’est en quelque sorte la porte ouverte l’automatisation du délit de faciès. En plus, dans cette « République des algorithmes », on perd notre droit à se défendre de l’arbitraire de l’état, qui est pourtant un droit de l’Homme.

Que fait la CNIL ?

La CNIL est un organe faible qui n’a qu’un rôle consultatif. Ce n’est que quand le peuple s’indigne qu’on peut faire avancer les choses, par exemple en votant contre les promoteurs de telles politiques publiques.

Que penser de l’histoire sur Safran, l’ancien employeur de Cédric O ? Conflit d’intérêts ou pas ?

Même s’il ne s’agit pas d’un conflit d’intérêts au sens légal, s’agit-il d’une opportunité puante ? Oui. Il favorise le secteur économique dont il vient. Mais avec l’équipe Macron, nous sommes prévenus : ils sont là pour ça. Ils ne font même plus semblant.

Et que comptez-vous faire avec Paris ?

Je pense que les municipalités ont un rôle à jouer. Si LREM gagne des victoires au niveau municipal, ils auront carte blanche pour ce projet de reconnaissance faciale. Mais avec la liste EELV nous désirons aussi lutter contre la publicité en ville et notamment les affichages numériques très énergivores, disgracieux et invasifs. Nous voulons protéger les données personnelles et ouvrir au maximum les données publiques. Plus largement, nous pensons que l’émancipation numérique dès le plus jeune âge est très importante. Quand on apprend très tôt à programmer par exemple ou à maîtriser les outils informatiques, on donne plus d’emprise sur le réel.

C’est à dire ?

Les gens utilisent tous les jours les réseaux sociaux, les smartphones ou les ordinateurs sans vraiment savoir ce qu’il y a derrière. C’est un « illectronisme » qui touche tout le monde et pas seulement les personnes qui n’ont pas grandi avec les nouvelles technologies. En faisant comprendre aux gens l’envers du décor et en leur inculquant une culture générale technique,ils seront plus à même de dire « non » avec toutes les cartes en main.

Mais encore ?

Nous souhaiterions mettre en place un « Conservatoire du libre » une sorte de médiathèque spécialisée avec des contenus du domaine public et des licences libres. Nous désirons aussi favoriser l’usage de l’open source dans les institutions publiques. Je suis professeur des écoles et nous venons de renouveler notre parc informatique avec des licences Windows 10. Plutôt que d’enfermer les enfants, pourquoi ne pas proposer des ordinateurs multi-boot avec d’autres systèmes d’exploitation pour bannir l’enfermement et éviter qu’à l’avenir les enfants ne voient plus cette icône bleue comme « celle d’Internet » ?

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